Les changements environnementaux sont de plus en plus préoccupants, et les industries alimentaire et textile en sont en grande partie responsables.
Il est possible de se pencher sur ces problèmes et d'agir sans devenir végétalien ni végétarien, simplement en consommant moins de protéines d'origines animales, ainsi qu'en étant attentif à l'origine de nos aliments. De nouvelles alternatives de production et de consommation de viandes sont également disponibles ou en développement, ce qui pourrait aider à changer progressivement nos habitudes alimentaires. Ces viandes dites “cultivées” sont des produits carnés issues de l'ingénierie biologique, se passant de l’abattage d’animaux. Elles constituent un domaine en plein essor utilisant des outils initialement développés pour la recherche en biologie.
Depuis quelques décennies, notre planète fait face à divers problèmes comme le réchauffement climatique, les pandémies virales et l’augmentation exponentielle des cas de bactéries multirésistantes.
L’industrie agro-alimentaire est une des principales causes de ces changements, au sein d’elle on trouve l’industrie de la viande qui est particulièrement nocive.
Plus précisément, l’industrie de la viande est une des plus polluantes, non seulement par l’émission des gaz à effet de serre, mais aussi par la consommation excessive d’eau. Pour produire un kilogramme de viande rouge, on a besoin de 15 mille litres d’eau 1.
En plus de cet effet sur la planète, cette industrie utilise démesurément des hormones de croissance et antibiotiques qui ont un effet directement mauvais sur notre santé.
Cependant, notre organisme a besoin de protéines qui vont jouer un rôle essentiel au niveau structural, elles participent au renouvellement musculaire et d'autres mécanismes pour notre corps comme la régulation de la croissance.
Bien que nous puissions substituer aujourd'hui les protéines d'origine animale par des protéines végétales, chacun est confronté à la réalité de ses habitudes alimentaires, des repas qu'il a déjà en tête et des denrées alimentaires à sa disposition dans le commerce. Faire évoluer nos réflexes de consommateurs prendra donc du temps, bien évidemment, et dépendra de l'élaboration d'une offre alimentaire alternative sûre et qualitative. Dans ce contexte, de nouvelles stratégies émergent.
Les alternatives à la viande comme le tofu et le tempeh existent depuis des centaines d'années. L'industrie de la viande d'origine végétale remonte au XIXe siècle et plusieurs des principales entreprises de viande d'origine végétale d'aujourd'hui ont été créées entre les années 1970 et 1990. Cependant le volume de production et la diversité de ces produits sont restés très réduits jusqu’à il y a quelques années. Le marché de la viande à base de plantes s'est considérablement développé au cours des dernières années, les entreprises produisant différents types de viandes à base de plantes et d'autres produits qui sont pratiquement impossibles à distinguer de la viande conventionnelle.
Cette approche "biomimétique" a commencé en 2012 avec le lancement des lanières de poulet de Beyond Meat, et elle a décollé avec le lancement en 2016 de l'Impossible Burger et du Beyond Burger, qui ont tous deux réussi dans les fast-foods grand public 2, 3.
En France, des entreprises comme HappyVore et Planted ont inondé les supermarchés, permettant d’introduire des nouveautés mimant les produits tels que la viande, les fruits de mer, les œufs et les produits laitiers d'origine végétale (lait d’amande et de soja) et de changer nos habitudes quotidiennes 2, 3.
Mais comment fonctionne cette stratégie de fabriquer de la viande à partir de produits végétaux ?
La viande animale est principalement constituée de muscles, les plantes n’ont pas de muscles mais elles possèdent toutes les protéines, acides gras, vitamines et minéraux que la viande possède. La « plant-based meat » prend avantage de la similarité biochimique des plantes et animaux pour créer de nouveaux aliments 3, 4. Ces processus font appel à de la transformation, changement de formes, d’aspect et de goût des matériaux initiaux à base de plantes. Ce processus est fondé sur la compensation des doses, et si quelque élément est manquant il sera produit synthétiquement.
La méthode générale utilisée pour produire de la viande d'origine végétale comporte trois étapes principales 2, 3.
La culture des plantes donne la matière première.
Puis l’obtention des macro-aliments (protéines, graisses, etc.) des plantes, et l’élimination des parties des plantes non souhaitées.
Ensuite, il y a un assemblage du mélange des ingrédients avec un processus qui permet de créer la texture souhaitée de la viande animale.
En plus de faire attention à la texture, les méthodes s’enrichissent à trouver les goûts souhaités via des épices ou des mélanges olfactifs ressemblant à ceux voulus. Dans le cas de la viande, par exemple, il y a l’utilisation de l’hème qui contient du fer et qui donne le goût et la couleur si particuliers de la viande 3.
Pour aller plus loin dans les processus synthétiques pour élaborer la nourriture, il existe une proposition encore plus inattendue, qui est de créer de la viande dans les laboratoires à partir de cellules souches. Les cellules souches sont des cellules qui ont encore la capacité de croître et de se différencier leur permettant de former n’importe quel tissu 4, 6.
Le processus de culture de la viande utilise ainsi les éléments de base nécessaires à la formation des muscles et des graisses et permet le même processus biologique que celui qui se déroule à l'intérieur d'un animal. Cette viande est identique à la viande conventionnelle que nous connaissons tant au niveau du goût que de la forme. Bouturer, bourgeonner ou maintenir un ferment, par exemple la levure boulangère, sont autant de techniques de cultures que l’homme a maîtrisé depuis des siècles sans l’organisme initial.
Le professeur Mark Post et son équipe de l'université de Maastricht ont présenté le premier hamburger cultivé en août 2013. En 2015, la première entreprise de viande cultivée, UPSIDE Foods, a fait un lancement public.
Mais cela ne s’arrête pas à la viande, une start-up française créée en 2020 travaille actuellement dans la fabrication de foie gras cellulaire 5. En utilisant la même technique de culture cellulaire, ils ont fabriqué cette spécialité culinaire pour éviter la souffrance animale liée à la production traditionnelle de foie gras, une controverse fréquente autour de cet aliment et sa fabrication. Le défi est encore plus important car l'objectif est d'égaler et d'améliorer le goût et la texture du produit fini afin de pouvoir faire concurrence au marché traditionnel.
Actuellement elle continue à chercher des améliorations, mais le produit a déjà passé des tests gustatifs avec un franc succès. Cette start-up ne compte pas s'arrêter là, elle vise une extension vers la production de viande avec les mêmes techniques, avec un prix réduit pour le consommateur final.
La création d'un approvisionnement alimentaire en viande cultivée est motivée par la possibilité d'éliminer un grand nombre de problèmes environnementaux et éthiques liés au processus de production de viande conventionnelle.
Comme indiqué précédemment, la production à grande échelle de viande par l’industrie agroalimentaire est un des principaux responsables du réchauffement climatique. La population mondiale et la demande en viande augmentera approximativement de 65% pour l’année 2050 par rapport à la demande et la population actuelle 6. La viande cultivée a le potentiel d'offrir une solution à ces problèmes. Plus précisément, la production de viande cultivée à l'échelle industrielle devrait utiliser environ 89 % d'eau en moins, 99 % de terres en moins et réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu'à 96 % par rapport à la production de viande conventionnelle 7.
Références
1. Rebulard, S. (2018). Le défi alimentaire: Écologie, agronomie et avenir. BELIN EDUCATION.
2. Small Actions for Big Change. (2019, March 21). Impossible Food. https://impossiblefoods.com/blog/small-actions-for-big-change
3. G. (2022, January 1). Plant-based and cultivated meat innovation | GFI. The Good Food Institute. https://gfi.org
4. Swartz, E. (2021, February 16). How it’s made: the science behind cultivated meat. A Bit of Science. https://elliot-swartz.squarespace.com/cellbasedmeat/cleanmeat301
5. Le foie gras cellulaire, sans gavage ni abattage - Nicolas Morin Forest (Gourmey) dans The GARDENER. (2022, January 4). [Video]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=rtz31V_YM8M&t=24s
6. Reiss, J., Robertson, S., & Suzuki, M. (2021). Cell Sources for Cultivated Meat: Applications and Considerations throughout the Production Workflow. International Journal of Molecular Sciences, 22(14), 7513. https://doi.org/10.3390/ijms22147513
7. Tuomisto, H. L., & Teixeira De Mattos, M. J. (2011). Environmental Impacts of Cultured Meat Production. Environmental Science & Technology, 45(14), 6117–6123. https://doi.org/10.1021/es200130u
Cet article a été édité par le spécialiste Dr Deshmukh Gopaul et révisé par Emile Auria.
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