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Oeuvre d'Alba Llach Pou

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Photo du rédacteurOlivier Postal

Les chiens, un atout de taille dans la lutte contre le SARS-CoV-2 ?

Dernière mise à jour : 2 nov. 2021

Depuis plusieurs millénaires, le chien partage notre quotidien, nous aide à chasser, veiller sur nos biens, ou encore retrouver des personnes disparues. Son rôle dans le domaine médical, moins connu, tend à se développer ces dernières années : le chien peut être utilisé pour détecter des cancers, prévenir les crises d'épilepsie ou accompagner des personnes présentant certains handicaps comme des déficiences visuelles ou motrices. Face à la pandémie liée au coronavirus SARS-CoV-2, il ne serait pas surprenant qu’il puisse, là encore, devenir un allié précieux.

 

L’une des clés de la lutte contre la propagation d’un virus tel que le SARS-CoV-2 est la capacité des systèmes de santé à détecter et isoler rapidement les personnes contaminées et leurs contacts afin de casser la chaîne de transmission. Le Conseil Scientifique résume cela en trois mots : « Tester-Tracer-Isoler », et insiste dans chacun de ses avis pour un renforcement permanent de cette stratégie, la seule permettant un contrôle efficace de la propagation du virus 1. De nombreux épidémiologistes alertent régulièrement sur l’importance de tester massivement la population, symptomatique ou non 2. Il est donc indispensable de trouver des solutions pour augmenter nos capacités à détecter les personnes contaminées afin de réduire l’impact sanitaire, économique et social de cette crise. Une première solution pour augmenter nos moyens de détection est l’utilisation de tests antigéniques, rendant un résultat en 30 minutes, contre 1 à 3 jours pour les tests RT-PCR de référence. Ces tests rapides, basés sur la détection de protéines du virus, sont désormais largement déployés. Accessibles en pharmacie et faciles d’utilisation, ils restent cependant moins sensibles qu’un test RT-PCR 3. Une seconde solution, moins attendue, est de faire appel à des chiens. Mais comment un animal, aussi proche de nous soit-il, peut être capable de dépasser les limites des technologies mises en place jusqu’à présent ?


La réponse réside dans leurs extraordinaires facultés olfactives. On estime que la capacité de détection des chiens équivaut à trouver 1 grain de sable dans une piscine olympique 4. Ses aptitudes olfactives, extraordinaires pour un humain, font déjà du chien un excellent outil de détection dans de très nombreuses situations. Des contrôles dans les gares et aéroports (drogues, explosifs) à la recherche de personnes disparues lors de catastrophes naturelles, le chien se révèle également, depuis les années 90, un outil de détection et de prévention performant pour de nombreuses maladies : détection de cancers, de pathogènes, de maladies neurodégénératives, prévention des crises d’épilepsie, ou contrôle de la glycémie pour les diabétiques chroniques 5, 6. Certains chiens « renifleurs » se révèlent même plus efficaces que les méthodes de détection standard. L’odeur détectée par ces chiens est formée par un ensemble de composés organiques volatiles spécifiques (des molécules capables de passer aisément sous forme gazeuse), appelé volatilome (VOC en anglais, pour volatile organic compounds). Association complexe de substances produites par l’organisme ou exogènes (aliments ingérés, produits d’hygiène, etc), le volatilome peut être excrété de plusieurs manières : par l’air expiré, la sueur, la salive, l’urine, les fèces ou encore le lait. Les capacités olfactives des chiens leur permettent d’identifier dans ce volatilome des odeurs spécifiques associées à différents états physiologiques (comme la glycémie) et neurologiques (épilepsie), la présence de certains parasites, bactéries ou virus. Ce que les chiens détectent précisément dans le volatilome est encore inconnu, mais la recherche actuelle tente d’identifier ces molécules afin de les utiliser comme marqueurs biologiques.


C’est donc naturellement que des scientifiques se sont intéressées à l’habileté des chiens à différencier un patient sain d’un patient contaminé par le SARS-CoV-2 et donc potentiellement contagieux. Parmi eux, le Professeur Dominique Grandjean, vétérinaire et enseignant-chercheur à l’école vétérinaire d’Alfort, et son équipe pluridisciplinaire (vétérinaires, médecins, biologistes, maîtres-chiens) étudient déjà la capacité des chiens à détecter certains cancers. En étroite collaboration avec les sapeurs-pompiers de Seine-et-Marne, d’Ajaccio, et l’université franco-libanaise de Beyrouth, ils ont lancé en mai le projet Nosaïs-Covid19, afin d’apporter une réponse à cette question cruciale : le chien peut-il être un outil de détection du Sars-CoV 2 ? Les premiers résultats, annoncés dès le mois de juin 2020, sont prometteurs 7. Après trois semaines d'entraînement, huit chiens « renifleurs », initialement formés à la recherche d’explosifs, au sauvetage de personnes, ou à la détection du cancer colorectal, ont été capables de différencier des échantillons de sueurs de patients contaminés par le virus de patients sains. Ces tests se sont révelés très précis, avec une sensibilité de 83% à 100% selon les chiens, des chiffres comparables aux tests PCR et antigéniques, 4 chiens atteignant même 100% de réussite ! D’autres équipes, en Allemagne, en Colombie ou encore aux Emirats Arabes Unis, sont parvenues à des conclusions similaires : le chien est capable de détecter la présence du virus dans différents échantillons contaminés (sueurs, salives, prélèvements nasopharyngés) avec une excellente sensibilité 8, 9. Cette détection est très rapide : quelques secondes seulement dans des conditions d’études, bien inférieure au délai de 30 minutes nécessaires pour les tests antigéniques et aux 72h pour les tests RT-PCR. Pour apprendre à signaler les échantillons infectés, les chiens sont d’abord habitués à l’odeur d’échantillons contaminés et entraînés à s’asseoir devant le support contenant l’échantillon. Une fois l’odeur apprise, plusieurs sessions de tests sont effectuées, pendant lesquelles les chiens doivent détecter les échantillons contaminés parmi les 4 à 10 échantillons présentés par session (Image 1). Ces étapes utilisent une méthode dite de « renforcement positif » : le chien reçoit son jouet, ou une friandise, lorsqu’il réussit. Une telle motivation est essentielle pour obtenir le meilleur des chiens, à l'entraînement comme sur le terrain. Une question émerge alors : les chiens « renifleurs » peuvent-ils être contaminés par le virus ? Si de faibles charges virales ont été détectées chez certains chiens de propriétaires malades, de nombreuses études ont conclu que le risque de transmission à l’animal est proche de zéro 10, 11, d’autant plus qu’à l’inverse de la salive, la sueur ne présente aucun risque d’infectiosité dans les dispositifs de test.


Figure 1


Mais comme n’importe quel autre test, l’utilisation de chiens présente certaines limites. La première est la variation importante des résultats selon les races et surtout les individus 12, nécessitant une sélection très fine des chiens « renifleurs ». Une seconde limitation est l’impact de l’environnement olfactif : entre une salle propre dédiée à l'entraînement et des lieux extérieurs remplis d’odeurs très variées, la différence peut être importante. Des chiens déjà habitués à travailler dans des environnements variés comme les chiens de sapeur-pompiers ne devraient cependant pas avoir de difficultés sur le terrain. Enfin, la relation qu’entretient le chien avec son maître, ainsi que son état émotionnel, jouent un rôle important dans les capacités de détection, nécessitant donc un entraînement régulier pour apprendre et maintenir ces bonnes performances. Alors, ces limites sont-elles suffisantes pour douter de l’intérêt des chiens « renifleurs » dans la détection du virus ? Pour les chercheurs, la réponse est claire : non. Les tests standards présentant eux aussi des limites 13, il est important que face à la pandémie, tous les moyens fiables de détection à grande échelle soient mis en place pour lutter contre le virus. Dès le mois d'août, l’Académie nationale de médecine et l’Académie vétérinaire de France ont publié un communiqué commun soulignant la nécessité « de compléter l’évaluation scientifique et le développement de ce nouveau test afin de le mettre en œuvre dans les meilleurs délais » et « de promouvoir la constitution d’équipes dédiées (personnel, chiens)» 14. Des pays ont déjà adopté le chien comme outil de détection : des chiens sont déployés sur le terrain en Finlande et aux Emirats Arabes Unis, dans les aéroports, avec d’excellents résultats préliminaires. Outre une sensibilité proche de 100%, ils pourraient même détecter les personnes contaminées jusqu’à 5 jours avant l’apparition des symptômes 15. En France cependant, aucun chien n’a encore été déployé, alors que 10 chiens pourraient déjà être en action sur le terrain 16. Le Pr Grandjean dénonce régulièrement l’immobilisme des pouvoirs publics qui s’appuient sur les critiques faites par une partie du monde médical : les données sont encore trop éparses, les résultats trop variables. Ces critiques sont légitimes et bien comprises par les chercheurs, mais ceux-ci soulignent que pour y répondre clairement, ils ont besoin de données collectées sur le terrain, de financement et d’un accès facilité aux échantillons de patients positifs. Malgré tout, des progrès sont à noter : à la fin de l’année 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé a apporté son soutien au projet Nosaïs-Covid19, permettant de débloquer un budget de 200 000 euros, indispensables pour continuer ces travaux 17. Le début de l’année 2021 est marqué par une nouvelle publication de l’équipe, faite sur 21 chiens aux Emirats Arabes Unis, confirmant l’excellent « nez » des chiens : 15 d’entre eux présentent une sensibilité supérieure à 90%, contre seulement 3 avec une sensibilité comprise entre 70 et 80% 18. De plus, l’équipe suggère qu’en allongeant la période d’entraînement, les chiens pourraient améliorer leur sensibilité, mais d’autres études seront nécessaires pour le confirmer. Enfin en France, les chiens de l’association Handi’chiens, apportant une aide à des personnes en situation de handicap, devraient être prochainement formés à cette mission pour être déployés en EHPAD 16. Le bénéfice serait considérable: un outil de détection peu coûteux, une aide quotidienne et un compagnon pour des personnes isolées et particulièrement touchées par les mesures sanitaires.


Ainsi, de plus en plus de données montrent que « le meilleur ami de l’Homme » peut différencier les personnes infectées par le virus et potentiellement contagieuses de personnes saines, offrant ainsi une nouvelle technique de dépistage. Si le chien « renifleur » ne peut se substituer aux tests de référence (RT-PCR), il peut être, tout comme les tests antigéniques, une aide complémentaire précieuse dans la mise en place de la stratégie « Tester-Tracer-Isoler », de par sa rapidité, sa très bonne sensibilité, et la facilité de son déploiement dans les lieux fréquentés (gares, aéroports) dans lesquels nous avons déjà l’habitude de le voir travailler, ou auprès des personnes fragiles.



References


1. Delfraissy, J.-F. et al. (2020) Avis Conseil Scientifique_Octobre 2020. Ministère des Solidarités et de la Santé https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/dossiers-de-presse/article/conseil-scientifique-covid-19


2. Coronavirus (2020) : ‘Se confiner sans tester est une solution de désespoir,’ alerte l’épidémiologiste Catherine Hill. Franceinfo https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/coronavirus-se-confiner-sans-tester-est-une-solution-de-desespoir-alerte-l-epidemiologiste-catherine-hill_4160485.html


3. Suzie, D. (2020) Revue rapide sur les tests de détection antigénique du virus SARS-CoV-2. Has-sante https://www.has-sante.fr/jcms/p_3213483/fr/revue-rapide-sur-les-tests-de-detection-antigenique-du-virus-sars-cov-2


4. Walker, D. B. et al. (2006) Naturalistic quantification of canine olfactory sensitivity. Applied Animal Behaviour Science https://doi.org/10.1016/j.applanim.2005.07.009


5. Leitch, O. et al. (2013) Biological organisms as volatile compound detectors: A review. Forensic Science International https://doi.org/10.1016/j.forsciint.2013.07.004


6. Angle, C. et al. (2016) Canine Detection of the Volatilome: A Review of Implications for Pathogen and Disease Detection. Front. Vet. Sci. https://doi.org/10.3389/fvets.2016.00047


7. Grandjean, D. et al. (2020) Can the detection dog alert on COVID-19 positive persons by sniffing axillary sweat samples? A proof-of-concept study. PLOS ONE https://doi.org/10.1371/journal.pone.0243122


8. Vesga, O. et al. (2020) Dog Savior: Immediate Scent-Detection of SARS-COV-2 by Trained Dogs. bioRxiv https://doi.org/10.1101/2020.06.17.158105


9. Jendrny, P. et al. (2020). Scent dog identification of samples from COVID-19 patients – a pilot study. BMC Infectious Diseases https://doi.org/10.1186/s12879-020-05281-3


10. Temmam, S. et al. (2020) Absence of SARS-CoV-2 infection in cats and dogs in close contact with a cluster of COVID-19 patients in a veterinary campus. bioRxiv. https://doi.org/10.1101/2020.04.07.029090


11. Covid-19 : pas de rôle épidémiologique des animaux sauvages et domestiques dans le maintien et la propagation du virus en France | Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. https://www.anses.fr/fr/content/covid-19-pas-de-r%C3%B4le-%C3%A9pid%C3%A9miologique-des-animaux-sauvages-et-domestiques-dans-le-maintien--0.


12. Jamieson, L et al (2017) Identifying suitable detection dogs. Applied Animal Behaviour Science.https://doi.org/10.1016/j.applanim.2017.06.010


13. Covid-19 : les tests et leurs limites. https://www.esanum.fr/today/posts/covid-19-les-tests-et-leurs-limites.


14. Communiqué de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie vétérinaire de France : Test olfactif de dépistage de la Covid-19 utilisant des chiens entrainés – Académie nationale de médecine | Une institution dans son temps. http://www.academie-medecine.fr/test-olfactif-de-depistage-de-la-covid-19-utilisant-des-chiens-entraines/.


15. Kauranen, A. Des chiens entraînés à détecter le coronavirus à l’aéroport d’Helsinki. Reuters (2020).


16. VIDEO. Des chiens détecteurs de Covid-19 vont-ils bientôt renifler des malades en France ? France info (2020). https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/solidarites/video-des-chiens-detecteurs-de-covid-19-vont-ils-bientot-renifler-des-malades-en-france_4189189.html


17. Vétérinaire.fr, L. P. Le projet de détection du Covid reçoit le soutien de l’OMS. Le Point Vétérinaire.fr https://www.lepointveterinaire.fr/actualites/actualites-professionnelles/le-projet-de-detection-du-covid-recoit-le-soutien-de-l-oms.html.


18. Grandjean, D. et al. (2021) Use Of Canine Olfactory Detection For COVID-19 Testing Study On U.A.E. Trained Detection Dog Sensitivity. bioRxiv. https://doi.org/10.1101/2021.01.20.427105



Cet article a été édité par le spécialiste Pr Herve Bourhy et révisé par Elsa Charifou.





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