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Oeuvre d'Alba Llach Pou

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Les vaccins à ARN

Dernière mise à jour : 12 nov. 2021

Pfizer/BioNTech et Moderna ont fait grand bruit en annonçant au mois de novembre 2020 le développement de vaccins contre la Covid-19 efficaces à 95%. Les vaccins ont été approuvés dans plus de 40 pays, incluant les 27 États membres de l’Union Européenne et la campagne vaccinale a démarré en France depuis fin décembre 2020. Ces vaccins, appelés vaccins à ARN, sont basés sur les dernières avancées scientifiques et seront pour la première fois utilisés massivement. Mais qu’est-ce que les vaccins à ARN ? Quels sont leurs avantages et inconvénients ? L’ARN peut-il s’intégrer dans notre génome ? Comment expliquer la rapidité du développement de ces vaccins ? Petit tour d’horizon de ce que l’on sait sur le sujet.

 

Qu’est-ce que l’ARN ?


Les Acides RiboNucléiques ou ARNs sont des molécules existant chez tous les êtres vivants. Il en existe plusieurs types mais ceux utilisés par les vaccins sont les ARN messagers, qui permettent la production des protéines dans les cellules.

La production des protéines est indispensable pour le fonctionnement du corps humain. L’information pour leur production est codée dans l'ADN de notre génome, stocké et protégé à l’intérieur du noyau des cellules. Cette information ADN est copiée en ARN messager qui va sortir du noyau et entrer dans le cytoplasme où il sera converti en protéine grâce à la machinerie cellulaire. Chaque protéine est codée par un fragment d'ADN de composition différente. Imaginez donc notre génome comme un livre de recettes permettant de produire toutes les protéines du corps humain ! Et les ARN messagers comme des fiches de cuisine permettant à chacun de produire une ou plusieurs protéines.


Synthèse des protéines à partir d'ADN. 1) Le fragment d'ADN portant l'information de la protéine à produire est copiée dans le noyau. Cette copie est appelée ARN messager. 2) L’ARN sort du noyau et entre dans le cytoplasme. 3) L’ARN est traduit en protéine par la machinerie cellulaire. 4) Les protéines ainsi produites sont utilisées par la cellule ou sécrétées dans le milieu extracellulaire pour assurer leur fonctions ailleurs. Créé avec BioRender.com



Comment fonctionne un vaccin ?


Un vaccin a pour objectif d'entraîner le système immunitaire d’un individu à reconnaître rapidement un virus (ex. le coronavirus). Il lui permettra de réagir et de détruire la menace plus vite lorsque la personne sera infectée par ce même virus. Pour cela, on peut utiliser un virus vivant atténué (vaccins contre rougeole et la fièvre jaune), ou inactivé (polio, grippe) ou un fragment de protéine de virus (hépatite B) que l’on injecte à un individu. Cela permet de stimuler son système immunitaire sans constituer une réelle menace pour le corps humain. Le système immunitaire va reconnaître le vaccin comme « étranger » et développer une stratégie de défense pour l’éradiquer.


La vaccination stimule principalement deux voies d’action : bloquer l’entrée du virus dans les cellules grâce à la production d’anticorps neutralisants produits par les lymphocytes B, et détecter les cellules infectées et les détruire grâce aux lymphocytes T cytotoxiques. Cette réponse immunitaire met habituellement deux à cinq jours à se développer mais il faut compter deux à trois semaines pour avoir une réponse immunitaire bien établie. Le corps humain conservera le signalement de ce virus grâce aux lymphocytes B et T mémoires qui patrouillent dans le corps. Lors d’une infection avec le même virus, le système immunitaire pourra alors agir très rapidement et empêcher la maladie de se développer.


Et le vaccin à ARN ?


Le vaccin à ARN fonctionne sur le même modèle mais se base sur les dernières avancées scientifiques en biologie. Au lieu d'utiliser directement un fragment de protéine de virus, un ARN messager synthétique contenant la séquence de cette protéine est créé en laboratoire. On y ajoute des séquences permettant de stabiliser l’ARN messager et d’améliorer l’efficacité de sa transformation en protéine 1.


Cet ARN messager est ensuite injecté lors de la vaccination, soit directement, soit protégé par un transporteur qui permettra une entrée plus efficace dans les cellules. Un exemple de transporteur est le liposome ou « bulle lipidique » dont la structure est similaire aux molécules déjà présentes dans le corps humain.


L’ARN messager va donc entrer dans la cellule au niveau du site de l’injection vaccinale (en général dans les cellules musculaires au niveau du bras) et permettre la production de protéines correspondant à un fragment du virus dans le cytoplasme de la cellule. Ces protéines sont dégradées par la machinerie cellulaire et sont ensuite transportées à la surface de la cellule. Elles agissent comme un leurre pour les cellules du système immunitaire (principalement les lymphocytes T et B) qui vont reconnaître la cellule comme étant infectée et vont donc l’éliminer.


Exemple de mécanisme d'action du vaccin à ARN. L’ARN messager est constitué d’une séquence codante (violet) pour un fragment de protéine de virus et de séquences améliorant la stabilité et la synthèse en protéine (bleu). Il est entouré d’une bulle lipidique. 1) Après injection du vaccin, l’ARN messager rentre dans la cellule. 2) la bulle lipidique se désagrège et l’ARN messager est libéré. 3) La protéine est produite à partir de la séquence de l’ARN messager. 4) Les morceaux de protéine dégradée sont présentés à la surface de la cellule et agissent comme un leurre marquant la cellule comme infectée. 5) Les lymphocytes T et B sont activés 6) Ils détruisent la cellule. Créé avec BioRender.



Dans le cas des vaccins développés par Moderna 2 et Pfizer/BioNTech 3, cet ARN messager code une partie de la protéine Spike S du coronavirus SARS-CoV-2 qui permet au virus de s’accrocher aux cellules et de les infecter. Pour le vaccin, le grand intérêt de cette molécule est d’être présente à la surface du virus. En effet, le système immunitaire cible en priorité les protéines de surface pour développer les réponses des anticorps.


Concernant le vaccin produit par Moderna, une séquence ajoutée dans l’ARN messager lui permet de se répliquer en grande quantité. Ces ARNs, appelés auto-répliquants, augmentent la réaction immunitaire en injectant une plus faible dose de vaccin au départ.


Pourquoi les vaccins à ARN ont-ils pu être développés si vite en 2020 ?


Les premières recherches sur la vaccination à ARN remontent aux années 1990. Des chercheurs ont démontré qu’un ARN messager injecté dans les muscles de souris induisait la production de protéines et une réponse immunitaire 4. Le développement de vaccin était toutefois limité par le fait que les molécules d’ARN messager sont instables et rapidement dégradées. De plus, l’injection d’un ARN messager seul se révèle peu efficace car il pénètre difficilement dans les cellules, ce qui est une étape essentielle pour la production des protéines.


Des avancées telles que l’optimisation de la séquence des ARN messagers et l’utilisation de transporteurs pour faciliter leur entrée dans les cellules ont conduit aux premières applications de cette technique avec un premier essai clinique en 2002 dans le traitement des cancers 5.


Il faudra attendre 2012 pour que les premiers essais pré-cliniques soient conduits sur des agents infectieux. BioNTech et Moderna ont par ailleurs de nombreux autres essais cliniques en cours avec des ARN messagers, notamment sur le virus Zika, la grippe, le cancer de la prostate et le cancer de la peau appelé mélanome 1. Par exemple, un vaccin de ce type est déjà disponible depuis 2018 pour les porcs contre la fièvre porcine 6.

Ces multiples travaux ont permis un développement rapide des vaccins Moderna et Pfizer/BioNTech contre le SARS-CoV-2. Ce développement a en outre bénéficié d’un engagement important des chercheurs, d’un investissement massif des pouvoirs publics et d’une procédure accélérée pour les essais cliniques et la mise sur le marché.


Est-ce que l’ARN peut s’intégrer dans notre génome ?


Les vaccins à ARN messagers sont sûrs. L’ARN messager ne peut pas entrer dans le noyau de la cellule où réside l’information génétique. En effet, pour que l’ARN messager puisse entrer dans le noyau, il lui faudrait qu’il se transforme en ADN. Cette transformation d’ARN à ADN ne se fait pas spontanément dans les cellules humaines. Il n’y a donc aucun risque qu’il s’intègre de manière durable dans le génome, qu’il entraîne des modifications ou qu’il soit transmis à la descendance.


Quels sont les autres avantages des vaccins à ARN ?


L’ARN messager ne code que pour une toute petite partie du virus, et ne permet pas de produire le virus en entier. Il n’y a donc pas de risque d’infection. L’ARN messager étant instable, il est rapidement dégradé et ne reste que quelques jours environ dans le corps humain.


Un autre avantage des vaccins à ARN est leur production rapide et peu coûteuse. Le procédé est aussi facile à mettre en place pour une production à grande échelle. C’est ce qui explique que les vaccins à ARN messager contre la Covid-19 aient été les premiers disponibles sur le marché. C’est un avantage certain en temps de pandémie.


Une autre particularité des vaccins à ARN est leur capacité à induire une forte réponse immunitaire innée 6. En effet, il existe un système de défense immunitaire supplémentaire (appelé PAMPs-PRR) qui reconnaît les ARN messagers étrangers dans le corps humain et les élimine. Le déclenchement de ce système immunitaire entraîne localement la production de molécules associées à l’inflammation (cytokines inflammatoires) qui permettent d’attirer davantage de cellules du système immunitaire. La stimulation de l’immunité innée permet d’induire une réaction immunitaire suffisamment forte pour éviter l’ajout d’adjuvants dans le vaccin. Ceux-ci sont souvent ajoutés dans d’autres types de vaccins pour renforcer la réaction immunitaire.


Quels sont les inconvénients des vaccins à ARN ?


L’inconvénient avec ces vaccins à ARN est le manque de recul scientifique sur cette technologie récente. Un risque potentiel du vaccin à ARN messager serait l’activation excessive du système immunitaire inné. Les personnes présentant des maladies auto-immunes sont donc éventuellement à risque pour ce vaccin.


Un désavantage certain de ces vaccins est aussi leur instabilité. Ils doivent être conservés à très basse température (-70°C) pour rester fonctionnels. Il est donc impossible de les acheter en avance, de les conserver au réfrigérateur avant d’aller se faire vacciner. Cela nécessite des centres de vaccination avec des capacités de stockage adaptées, permettant de réaliser rapidement la vaccination après décongélation.


Et les vaccins à ADN ?


Des vaccins basés sur d’autres technologies ont été mis en place contre la covid-19 tels que les vaccins à ADN développés par AstraZeneca et l’université d’Oxford, Johnson & Johnson ou Sanofi/GSK (en cours de développement). La France a passé des commandes de certains de ces vaccins afin d’avoir un portefeuille diversifié. L’idée est de pallier les déficiences que l’un des candidats pourrait avoir par rapport à un autre (délai pour finir les phases cliniques avant l’autorisation de mise sur le marché, retard de livraison des doses…) et de faire jouer la concurrence.


Notons aussi que les vaccins à ARN, en plus de nécessiter des lieux de stockage spécifiques, se révèlent plus coûteux à produire que les vaccins à ADN. En revanche, ils sont faciles et rapides à développer ce qui permet de répondre rapidement à une pandémie et de développer des nouveaux vaccins contre les variants.



Références


1. Pardi, N. et al. (2018) mRNA vaccines-a new era in vaccinology. Nat. Rev. Drug Discov. https://doi.org/10.1038/nrd.2017.243


2. Corbett, K. S. et al. (2020) SARS-CoV-2 mRNA vaccine design enabled by prototype pathogen preparedness. Nature. https://doi.org/10.1038/s41586-020-2622-0


3. Sahin, U. et al. (2020) COVID-19 vaccine BNT162b1 elicits human antibody and TH1 T cell responses. Nature. https://doi.org/10.1038/s41586-020-2814-7


4. Wolff, J. A. et al. (1990) Direct gene transfer into mouse muscle in vivo. Science. https://doi.org/10.1126/science.1690918


5. Kyte, J. A. et al. (2006) Phase I/II trial of melanoma therapy with dendritic cells transfected with autologous tumor-mRNA. Cancer Gene Ther. https://doi.org/10.1038/sj.cgt.7700961


6. Pardi, N. et al. (2018) Nucleoside-modified mRNA immunization elicits influenza virus hemagglutinin stalk-specific antibodies. Nat. Commun. https://doi.org/10.1038/s41467-018-05482-0


Cet article a été édité par le spécialiste Dr Marco Vignuzzi et révisé par Jangmi Kim .


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