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Oeuvre d'Alba Llach Pou

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Plus qu’un simple poisson : le pouvoir du poisson zèbre en recherche

Dernière mise à jour : il y a 6 jours


Depuis ses débuts dans les années 80, l’utilisation de Danio rerio (poisson zèbre) en biologie a pris une telle ampleur que c’est désormais le deuxième modèle animal le plus utilisé en recherche. En effet, bien que le poisson zèbre semble très éloigné de l’Homme d’un point de vue évolutif, approximativement 70% des gènes humains possèdent un orthologue chez le poisson zèbre. Ici nous détaillons plusieurs avantages qu’apporte Danio rerio à l’étude du développement et de maladies chez les vertébrés, ainsi que ses applications dans différents domaines scientifiques.




L’importance des modèles animaux en science


Avant d’aborder le fond du sujet de cet article il est important d’expliquer pourquoi de nos jours l’utilisation de modèles animaux est toujours nécessaire. Les modèles in vitro tels que la culture cellulaire 2D ou d’organoïdes 3D se sont significativement améliorés ces dernières années, malheureusement ils présentent des limitations qui rendent l’utilisation d’animaux essentielle en recherche. Tout d’abord, nous devons rappeler les remarquables similitudes anatomiques et physiologiques entre les humains et les animaux, en particulier les mammifères, cela permet par exemple une meilleure comparaison dans un contexte pathologique. Deuxièmement, les animaux sont des organismes très complexes dans lesquels les organes parviennent à des fonctions physiologiques distinctes grâce à un réseau complexe d’hormones, de facteurs et cellules circulants, et au dialogue entre les cellules de chaque compartiment. De ce fait, l’utilisation de ces modèles tels que le poisson zèbre a une importance primordiale afin de comprendre comment des processus biologiques se déroulent dans un organisme complexe et entier. 

Bien entendu, l’expérimentation animale est strictement supervisée, et chaque projet expérimental doit être approuvé afin d’être sûr qu’il suit la règle des trois R : réduire, raffiner, et remplacer. Le chercheur devrait initialement essayer de remplacer, quand cela est possible, le modèle animal par une autre alternative ; la deuxième étape est d’essayer de réduire au maximum le nombre d’individus utilisés dans un protocole expérimental ; finalement, le dernier R réfère au raffinement, ou amélioration, des conditions expérimentales auxquelles les animaux sont sujets.

 


Caractéristiques générales du modèle


Figure 1. Poisson-zèbre mâle et femelle


Ces poissons d’eau douce sont natifs d’Inde et d’Asie du Sud, et doivent leur nom aux rayures bleues qui barrent horizontalement leur corps. Cette espèce est ovipare ; une femelle est capable de pondre entre 200 et 300 œufs après chaque fécondation. Ceci est avantageux lorsqu’il est nécessaire d’inclure de nombreux animaux dans son protocole expérimental. Les premières étapes du développement sont rapides, les embryons éclosent deux jours après fertilisation (jaf), transitionnent au stade de larve cinq jaf, et au stade juvénile 30 jaf. Les poissons zèbres atteignent leur maturité sexuelle à trois mois tandis que leur durée de vie en captivité est de deux à cinq ans. Les mâles et femelles présentent des différences visibles ; les mâles sont généralement fins et plutôt dorés tandis que les femelles sont plus grosses (particulièrement si elles portent des œufs) et plutôt argentées. Parmi les caractéristiques qui rendent ce modèle avantageux, on peut noter la génération de centaines d’œufs dans une poche unique et la transparence des embryons en développement, ce qui permet d’imager en temps réel l’organisme entier. Finalement, ce modèle donne la possibilité de générer des animaux exprimant dans leur génome de l’ADN externe (animaux transgéniques), qui peuvent être utilisés pour étudier le rôle de gènes communs à l’Homme.


Quelques exemples d’utilisation de poissons zèbres en recherche biomédicale


 

Modèles de troubles cérébraux et addiction

 

 

Le poisson zèbre a récemment servi à l’étude de troubles neurocomportementaux invalidants parmi lesquels la déficience motivationnel et social, tels que la dépression et le trouble du spectre de l’autisme (TSA). Leur utilisation dans ces domaines est justifiée par plusieurs comportements qui peuvent être utilisés comme preuve en neurobiologie permettant la mesure et l’étude d’interactions sociales ou de préférence sociale. Par exemple, un comportement exhibé par les poissons est la tendance à former des groupes agrégés (bancs). Des anomalies de ce phénomène peuvent être considérées comme le signe de comportement social atypique. De plus, les larves et poissons zèbres adultes montrent des signes de forte sensibilité à différentes drogues addictives consommées par les Hommes, tels que la tolérance, une claire préférence pour ces drogues, et des symptômes de sevrage. Les effets de l’alcool chez le poisson zèbre ont été étudiés depuis plus de douze ans, et ont révélé de nombreux changements comportementaux ressemblant à ceux observés chez les rongeurs et l’humain.

 



La capacité de régéneration


Un autre avantage du poisson zèbre tient à sa capacité de régénération. Comprendre les mécanismes fondamentaux à la régénération d’organes en utilisant ce modèle pourrait ouvrir la porte à de futures applications dans le domaine de la réparation tissulaire. Les lésions tissulaires peuvent être guéries grâce à la cicatrisation et la régénération, cependant différentes espèces répondent de différentes manières. La capacité de régénérer des tissus varie énormément parmi les vertébrés ; Danio rerio est connu pour être capable de régénérer différents tissus et organes parmi lesquels la moelle épinière, le cerveau, la rétine, les cellules ciliées, les muscles, nageoires, la peau, des organes internes, et plus encore. Les outils génétiques disponibles chez le poisson zèbre peuvent aider à identifier le rôle de gènes impliqués dans la régénération.


Troubles du système musculosquelettique


L’identification et la validation de gènes clefs et de cibles potentielles dans les pathologies des os, tendons, muscles et cartilages ont étendu l’utilité et la pertinence du poisson zèbre à la recherche orthopédique. Un squelette complètement développé est composé de plusieurs groupes fonctionnels ; cela inclut le système musculosquelettique crânial qui se forme rapidement et est fonctionnel à cinq jaf. Différentes pathologies peuvent être imitées et étudiées en utilisant ce modèle animal : les maladies héréditaires du collagène, la scoliose, et l’arthrose, entre autres. Les poissons zèbres grandissent au cours de leur vie et présentent des signes de déclin des fonctions squelettiques avec l’âge. Par exemple, on peut observer que les propriétés mécaniques des tendons diminuent et des altérations des vertèbres et disques vertébraux. Certaines pathologies invalidantes apparaissent dans le squelette avec l’âge, telles que l’ostéopénie et l’ostéoporose, la capacité des poissons zèbre à reproduire des éléments de ces processus pourrait donc être importante. Plus d’analyses de poissons à un stade adulte avancé pourrait permettre d’avoir un meilleur aperçu de comment le système squelettique vieillit et des conséquences qui en découlent.


Limite du modèle


Malgré tous les avantages cités précédemment, le modèle du poisson zèbre présente des limitations. Par exemple, une limite reconnue en génétique du poisson zèbre est le manque de lignées « inbred » bien caractérisées. Nous utilisons ce terme pour désigner des individus d’une même espèce qui sont presque identiques en termes de génotype, obtenus grâce à l’accouplement d’individus génétiquement apparentés. L’accouplement de souris apparentées génère des souris génétiquement uniformes, et qui de plus, sont très bien caractérisées en termes de physiologie, de leur réponse à des perturbations expérimentales, et de vieillissement. Par ailleurs, l’utilisation de lignées « inbred » peut réduire significativement le nombre d’animaux nécessaires à chaque expérience. A la différence du modèle de la souris, pour lequel presqu’une centaine de lignées « inbred » et des centaines de mutants ont été caractérisés et sont à disposition des chercheurs, la génération de poissons zèbres mutants bien caractérisés est encore à ses débuts. Bien que les poissons zèbres soient des animaux extrêmement sociables se déplaçant en bancs, il n’est pas clair si l’absence de formation de bancs peut être comparé aux phénotypes complexes associés aux TSA. De plus, différents tests de comportement communément utilisés avec les souris doivent encore être adaptés aux poissons. Concernant la recherche orthopédique, ce domaine est toujours relativement jeune, et un certain nombre de questions concernant les étapes du développement, les os, et les traits phénotypiques n’ont pas encore été résolues. Il existe également des différences morpho-physiologique qui peuvent rendre la modélisation de phénotypes du squelette humain difficile chez le poisson zèbre. Bien que l’origine des os des mammifères et leurs liens avec les os de poissons peuvent parfois être identifiés grâce à des analyses évolutives, ces liens ne peuvent pas toujours être établis.

 

Malgré ses limites, le modèle du poisson zèbre est indéniablement utile et important pour certaines recherches biologiques clefs. Le poisson zèbre est donc un animal modèle capable de récapituler de nombreuses maladies humaines, et qui présente des avantages propres et spécifiques en comparaison à d’autres modèles animaux communs.


Références


  1. Busse, Björn, et al. (2020) Zebrafish: an emerging model for orthopaedic research. Journal of Orthopaedic Research. https://doi.org/10.1002/jor.24539

  2. Kalueff, A. V., et al. (2014). Zebrafish as an emerging model for studying complex brain disorders. Trends in pharmacological sciences. https://doi.org/10.1016/j.tips.2013.12.002

  3. Marques, I. J., et al. (2019) Model systems for regeneration: zebrafish. Development. https://doi.org/10.1242/dev.167692

  4. Choi, T. Y., et al. (2021). Zebrafish as an animal model for biomedical research. Experimental & Molecular Medicine. https://doi.org/10.1038/s12276-021-00571-5

  5. Schmidt, S. J., et al. (2011). Social cognition as a mediator variable between neurocognition and functional outcome in schizophrenia: empirical review and new results by structural equation modelling. Schizophrenia bulletin. https://doi.org/10.1093/schbul/sbr079

  6. Howe, K., et al. (2013). The zebrafish reference genome sequence and its relationship to the human genome. Nature. https://doi.org/10.1038/nature12111


Cet article a été révisé par Dr. Laure Bally-Cuif et édité par Dr.Carys Croft. Traduit de l'anglais par Dr. Marie Juzans


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